Né sous X à l’hôpital de Chartres il y a quarante-huit ans, Sylvian Bonavita est l’un des protagonistes de C’est toi que j’attendais, le très émouvant documentaire de Stéphanie Pillonca consacré au thème de l’adoption. Suivi au jour le jour par la réalisatrice, Sylvian nous y dévoile son histoire personnelle. Une quête des origines qui lui ressemble trait pour trait. Joviale, optimiste et bienveillante.
Depuis son plus jeune âge, Sylvian sait qu’il a été adopté. Le quadragénaire insiste sur ce point : il n’est mué par aucune rancœur, aucune haine, aucune envie d’en découdre ou de prendre sa revanche. Plutôt un désir de comprendre, de tisser le lien de sa propre existence et de « reconstituer les pièces de son puzzle ». Adopté à six mois par un couple originaire de Corse et installé en Eure-et-Loir, Sylvian a vécu une enfance heureuse, protectrice et débordante d’amour. « Mes parents adoptifs ne m’ont jamais rien caché. On se parlait naturellement, sans aucun tabou. Je les en remercie car c’est une chance. Je connais des gens qui ont appris leur adoption sur le tard. Et c’est beaucoup plus dur à encaisser ».
DES INTERROGATIONS LÉGITIMES
L’adolescence sera révélatrice. En se regardant dans le miroir, Sylvian constate que ses traits sont plutôt typés, probablement métissés. « J’ai commencé à me poser des questions sur mes origines. Et à l’école, mes copains me posaient exactement les mêmes questions. Je ne savais pas trop quoi leur répondre. Tout simplement parce que je ne savais pas. Et mes parents adoptifs non plus. Ma mère biologique a accouché à Chartres. Mais sur mon acte de naissance, toutes les cases étaient vides. Elle n’a laissé aucune trace ». Pour autant, Sylvian n’en fait pas une obsession. Il vit sa jeunesse en toute quiétude. C’est à la naissance de sa première fille en 2002 que le déclic a eu lieu. « Elle était aussi typée que moi, voire davantage. Et les questions que je me suis posées, elle risquait de se les poser aussi ». Il décide donc de se rendre à la DASS pour y consulter son dossier. « J’ai découvert des choses que je ne soupçonnais pas. Notamment l’âge de ma véritable mère lors de l’accouchement (27 ans) ainsi que son prénom. J’ai demandé aux services sociaux de me tenir informé si de nouvelles informations leur parvenaient ». Dans la foulée, Sylvian crée une page Facebook intitulée « Né sous X le 24 septembre 1972 à Chartres ». La page rencontre un franc succès. Elle est commentée et partagée des milliers de fois. Mais malheureusement, elle ne lui fournit aucun élément nouveau. À la même époque, Sylvian contacte même un détective privé qui se retrouve lui-aussi dans l’impasse faute d’indices suffisants.
MOTEUR, ÇA TOURNE !
De lui-même, Sylvian décide de laisser son investigation en suspens. Du moins jusqu’à septembre 2018, date à laquelle il reçoit un message inattendu de Stéphanie Pillonca. La réalisatrice lui annonce rechercher des gens en préparation d’un film sur l’adoption et lui avoue être très intriguée par son profil. Le documentaire vise à traiter de toutes les facettes du processus en suivant deux couples sur le chemin de l’adoption (l’un qui vient de débuter les démarches, l’autre sur le point de les concrétiser) ainsi qu’une mère ayant accouché sous X, lancée en quête de son enfant.
Et enfin Sylvian qui recherche sa mère biologique. Encouragé par ses proches, ce dernier accepte le défi. Il rencontre la cinéaste et le courant passe tout de suite. Le tournage débute le mois suivant pour se terminer fin 2019. Une première projection se déroule en décembre de la même année au Max Linder, salle mythique des grands boulevards parisiens. Un petit triomphe : près de six-cents invités répondent présents.
« Il y a des joies et des peines. Ça prend aux tripes ». L’espoir renaît.
LA BELLE ÉQUIPE
Mieux, une véritable amitié éclot de cette aventure chorale. Sylvian y fonde une famille de cœur. Auprès de Stéphanie Pillonca comme auprès des autres protagonistes du documentaire. « On s’appelle tout le temps, on prend régulièrement de nos nouvelles, et Stéphanie s’est vraiment impliquée dans mon histoire personnelle.
Elle a envie que ça aboutisse ». Et c’est le cas. À l’heure actuelle, Sylvian sait un peu mieux d’où il vient. Tout d’abord, le film lui a permis de recontacter le détective spécialisé dans la recherche d’individus. Puis entre temps, les tests ADN se sont démocratisés. Une avancée technologique majeure. Grâce à la génétique, Sylvian disposerait aujourd’hui de pistes solides bien que non officialisées. Primo, ses vrais parents seraient encore en vie. À mille lieues de Chartres, mais toujours de ce monde. Deusio, il semblerait qu’il ait des demi-frères et sœurs. Tertio, une partie de ses racines (celles de son père biologique) se trouverait du côté des Antilles. Une réponse à ses questionnements au sujet de sa couleur de peau et de celle de ses deux filles.

SANS RANCUNE
Il ignore pourquoi mais Sylvian s’est surtout focalisé sur sa mère biologique. Et jamais il n’a jugé son geste. Il voudrait simplement savoir ce qui l’a incitée à en arriver là. Abandonner un enfant est un acte extrêmement fort. Quelle en est la raison ? Il insiste également sur le regard toujours bienveillant de C’est toi que j’attendais. Il faut dire que sa personnalité joue énormément dans l’attrait du film. C’est d’ailleurs son tempérament qui a séduit la réalisatrice Stéphanie Pillonca. Sylvian a constamment le sourire. Et sa joie de vivre s’avère communicative. L’homme a un côté frondeur et solaire qui fait plaisir à voir. Il le précise lui-même : « Le fait de beaucoup extérioriser, c’est un peu ma soupape de sécurité ». Sa trajectoire n’en est que plus attachante. Éternel optimiste, il se dit prêt à rencontrer un jour ses vrais parents. Non sans une certaine appréhension. « Pas évident de se projeter. Ce sont des inconnus finalement. Le plus important, c’est qu’ils acceptent les retrouvailles. Je leur lance un appel. Mais en aucun cas, je ne souhaite me montrer intrusif ou les mettre dans l’embarras. Qui sait, il y a peut-être de tristes histoires de famille à l’origine de mon abandon. Je ne veux pas non plus que ma véritable mère pense que je la considère comme un monstre. Je me mets souvent à sa place. Comment effacer une telle action de sa mémoire ? Elle doit certainement y penser à longueur de temps, lors des anniversaires notamment. Moi, je voudrais juste la rassurer. Lui dire que tout s’est bien passé.
Qu’elle n’a pas à s’en faire ».
« … Moi, je voudrais juste la rassurer.
Lui dire que tout s’est bien passé.
Qu’elle n’a pas à s’en faire ».
Covid-19 oblige, l’avant-première de C’est toi que j’attendais, initialement programmée le 22 décembre dernier au cinéma « Les Enfants du Paradis » de Chartres, a été décalée à une date ultérieure. Gageons que nous aurons vite l’occasion de retrouver Sylvian en chair et en os. Vous pouvez nous croire sur parole, le garçon en vaut la peine. Quant au documentaire, il dispose déjà d’un excellent bouche-à-oreille. Notamment de la part du producteur Dominique Besnehard qui avoue avoir été ému aux larmes lors de la projection du film au dernier Festival d’Angoulême. De son côté, Sylvian Bonavita poursuit son bonhomme de chemin. Avec l’intime conviction que son parcours puisse inciter d’autre personnes adoptées à franchir le pas et renouer avec leurs origines. Nous conclurons donc par ses mots à lui : « Ce n’est que du positif. Et ce n’est pas fini ».
