Tout autour de nous dans le département, des éléments de notre patrimoine sont laissés à l’abandon, tombent en ruines ou disparaissent du paysage. SOS, patrimoine abandonné : l’alerte est lancée !
Appelé au chevet du patrimoine par le président de la République, Stéphane Bern, notre portrait du mois (voir page 10-11), a lancé en 2018 le loto du patrimoine. Sa mission : recenser les chefs- d’œuvre en péril et réfléchir à leur rénovation et à leur financement.

En Eure-et-Loir, un site emblématique a été retenu en avril 2021 pour bénéficier de ces aides : le Musée Marcel Proust – Maison de Tante Léonie, à Illiers-Combray. L’été dernier, c’était au tour de la serre du château de Bouthonvilliers, à Dangeau, d’intégrer le dispositif.
Mais d’autres sites euréliens ont été identifiés comme étant en danger. C’est le cas de la briqueterie Lambert, à Saint-Piat. Construit au XIXe siècle et inscrit sur la liste des Monuments Historiques depuis 1999, ce témoin du passé industriel de la commune menace de s’écrouler.
Construit vers 1880 dans le parc du château des Vaux, le temple de l’Amour a, de son côté, vu son état se dégrader au fil des années et a également grand besoin d’être restauré.
Quant à l’église de Saint-Martin de Rouvres, son état de détérioration nécessite d’importants travaux. Ce monument remarquable est également classé au titre des Monuments Historiques.
Tout comme l’église abbatiale de Thiron-Gardais. Datant du XIIe siècle, l’édifice, déséquilibré, n’est soutenu que par des étais, ce qui ne suffit pas à stopper la déformation de sa charpente en coque de bateau renversé.
Par leur renommée, leur intérêt patrimonial, religieux ou architectural, la plupart de ces monuments sont inscrits dans des projets de restauration. Mais les fonds nécessaires ne sont pas toujours réunis. Il est possible de participer à leur sauvegarde en se connectant sur le site fondation-patrimoine.org
PROTÉGER, C’EST PRÉSERVER
Mais chacun, à son niveau, peut aussi préserver le patrimoine, si modeste soit-il. Prenons l’exemple des fermettes traditionnelles de nos villages de Beauce. Construites pour la plupart au XVIIIe siècle, nombre d’entre elles sont dotées de murs en bauge. Si ceux-ci ne sont pas traités avec soin par leurs propriétaires, avec du lait de chaux pour les protéger, par exemple, ils sont voués à disparaître dans les 50 ans à venir. Malheureusement, dans le cadre de rénovations, la plupart des entrepreneurs du bâtiment ont plutôt tendance à suggérer de remplacer ces murs… par de bons vieux parpaings. Ce qui est dommage, sur le plan patrimonial et esthétique, mais aussi énergétique, la bauge étant un super-isolant.
Et que dire de ces centaines de fours à pain présents dans ces mêmes fermettes ? Très souvent délaissés, ils finissent la plupart du temps murés, alors que rénovés et aménagés intelligemment, ils peuvent se transformer en un garde- manger original, ou une niche pouvant accueillir une belle œuvre d’art mise en lumière ou un insert.
Autre petit patrimoine en danger dans nos campagnes : les mégalithes. Ces pierres hautement symboliques, présentes depuis plusieurs milliers d’années, ont toute une histoire. Certaines sont protégées, d’autres non. Et malheureusement, il n’est pas rare d’en voir disparaître des champs pour les retrouver dans un bois environnant, quand ce n’est pas dans la cour d’une ferme voisine…
LE CALVAIRE DES CALVAIRES
Le plaisir d’arpenter les chemins a été redécouvert avec le confinement. Certains de ces chemins, justement, font partie de notre patrimoine. Et méritent donc toute notre attention. Prenons par exemple le chemin de Saint-Mathurin. Cette voie romaine, qui reliait à l’époque la cité des Carnutes, Chartres, à Sens, capitale régionale, file tout droit à travers la campagne sur 170 kilomètres. Le chemin de Saint-Mathurin existe encore, à une quarantaine de centimètres sous nos pieds, sauf quand certains remembrements ont été l’occasion de le grignoter « par inadvertance » et de l’effacer pour privilégier la mise en culture… Héritière d’un chemin pré-gaulois puis gaulois, cette voie constituait même en 2000 avant JC une des trois ou quatre autoroutes structurantes d’Europe, assurant la liaison entre les Îles Britanniques et la Turquie.
Pour terminer cette liste – non exhaustive – de patrimoine en danger, penchons-nous sur le calvaire des calvaires. Situés au bord des chemins, ces monuments chrétiens sont en voie de disparition, voire portés disparus. Autrefois, les habitants y déposaient un brin de fleurs pour fêter les vendanges ou la récolte du blé, avant qu’ils ne tombent dans l’oubli et ne se dégradent. Ou pire, qu’ils ne fassent les frais d’un engin agricole de large envergure peinant justement à se frayer un chemin…
Majestueuse cathédrale ou modeste chapelle, chemin enseveli ou ferme défraîchie, il n’y a pas de grand ou de petit patrimoine. Ce n’est pas la taille qui compte. Tout élément de patrimoine nous relie à notre histoire, à nos racines. Soyons-y plus que jamais attachés pour ne pas perdre pied.