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On ne joue pas avec le feu

Contrairement à son sens premier, le couvre-feu est systématiquement associé dans l’imaginaire collectif à des périodes de guerre.
Mais ça, c’était avant.

L’origine du couvre-feu remonte au Moyen-Âge. À cette époque, une cloche sonnait à la tombée de la nuit pour avertir les habitants qu’il était temps de recouvrir les feux d’un lourd couvercle en bronze, ceci afin d’éviter tout risque d’incendie dans des maisons faites de bois. On pouvait alors parler d’une mesure de prévention et de bon sens. Seul inconvénient : en cas de petite faim la nuit, il était impossible de faire réchauffer la soupe ou de se faire un petit burger. À noter qu’à Strasbourg, la tradition se perpétue : la cathédrale abrite la Zehnerglock (dite « cloche de dix heures » ou « cloche du couvre-feu »), qui carillonne tous les jours vers 22h06.

C’est au cours de la seconde guerre mondiale, sous l’occupation allemande, que le terme couvre-feu s’est rendu tristement célèbre. Dès 1941, les autorités allemandes l’instaurent dans des régions où les premiers foyers de résistance commencent à s’activer. L’objectif est simple : contrecarrer toute activité clandestine, que la nuit rend propice, menée par une population considérée globalement comme hostile.En février 1942, les Juifs de France vivant en zone occupée se voient interdits de toute sortie entre 20 heures et 6 heures du matin. En 1943, après l’occupation de la zone libre en novembre 1942 et face aux actions de plus en plus fortes de la Résistance, le couvre-feu tombe sur le pays tout entier. Avec des variantes. À Paris, il est fixé de minuit à six heures du matin : pas question pour les Allemands (sacrés épicuriens !) de renoncer aux joies et voluptés du « Gross Paris ». Dans les autres villes, il varie entre 22 heures et 23 heures. Pour les contrevenants, les sanctions peuvent aller jusqu’à la peine de mort ou la déportation. L’Allemand a beau apprécier la fête à la française, quand c’est l’heure, c’est l’heure…

Guerre toujours, mais 20 ans plus tard. Pendant la guerre d’Algérie, et plus particulièrement pendant la bataille d’Alger, un couvre-feu est mis en place afin de mieux lutter contre les attentats commis par le FLN. En octobre 1961, il est imposé aux « Français musulmans » (selon la terminologie de l’époque) vivant en métropole. Pour protester contre cette mesure, la fédération française du FLN organise une manifestation. La répression est lourde. Le Massacre du 17 octobre 1961 fait plusieurs dizaines de morts (les sources divergent encore aujourd’hui).

Quarante ans plus tard, c’est dans nos banlieues que ça brûle. Pour éteindre le feu, quoi de mieux qu’un couvre-feu ? C’est l’option que choisit Dominique De Villepin en 2005, en proclamant l’état d’urgence et en autorisant les préfets à recourir au couvre-feu s’ils l’estiment nécessaire. Force est de constater que l’incendie a été mal éteint. Il reste des braises.

Plus récemment, en 2018, c’est à La Réunion que les habitants ont été empêchés de se réunir le soir, à cause d’un mouvement des Gilets jaunes – comme souvent – excessif : économie paralysée, routes bloquées, pillages et violences urbaines (tient, c’est marrant, ça rappelle un peu les sauvages d’extrême-gauche lors des manifestations parisiennes de nos jours. J’dis ça, j’dis rien…).

Le 15 décembre 2020, la France et les Français étaient punis : privés de sortie le soir et placés sous couvre-feu. Pour la première fois, ce dispositif a été mis en place en France pour des raisons sanitaires. Il est vrai qu’en mars, le Président Macron avait parlé de « guerre » face au Covid-19. Une guerre qui se mène sur deux fronts : sanitaire et socio-économique. Pour le moment, le résultat n’est pas brillant. Peut-être parce que, pour gagner les guerres, ce n’est pas d’un couvre-feu dont on a besoin, mais d’une stratégie et de moyens.

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