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La promenade des Anglais

Il y a 50 ans sortait Exile On Main St., double album des Rolling Stones, partiellement enregistré dans le sud de la France.
Durant six mois, les vieilles pierres de la Villa Nellcote ont vibré au rythme imposé par les pierres qui roulent : sex, drugs and rock’n’roll…

Harcelés par le fisc anglais, brouillés avec leur producteur, étroitement surveillés : en 1971, les Rolling Stones, qui viennent d’enchaîner trois albums mythiques (Beggars Banquet, Let It Bleed, Sticky Fingers), vivent une situation compliquée.
Une solution se fait jour pour aspirer un peu à la sérénité : l’exil.

Quittant précipitamment leurs châteaux anglais pour la France, Mick Jagger, Keith Richards, Charlie Watts, Bill Wyman et Mick Taylor élisent chacun domicile dans de confortables propriétés à Villefranche- sur-mer, Grasse, Arles, Biot… L’objectif est qu’ils se retrouvent – au sens propre comme au sens figuré – pour reprendre du plaisir à jouer ensemble et repartir de l’avant, malgré cet exil forcé.

Keith Richards s’installe avec sa femme, Anita Pallenberg, et leur fils, Marlon, dans l’imposante Villa Nellcote, à Villefranche-sur-mer, près de Nice.

À défaut de trouver un studio d’enregistrement en capacité de les recevoir, les Rolling Stones décident d’installer leur matériel directement dans le sous-sol de la Villa.

On les comprend : quoi de mieux, pour laisser son talent s’exprimer, que ce modeste manoir de 16 pièces aux colonnes ioniques, construit à la Belle Époque, fleuron du patrimoine néo-classique de la Riviera, surplombant la Méditerranée ?

Sans pression extérieure, ni compte à rebours pour sortir leur nouvel album, les Anglais prennent leur temps et découvrent les charmes et les beautés de la Côte d’Azur.

Femmes et enfants les rejoignent.
Les amis musiciens sont les bienvenus pour des jams sessions improvisées. Les ingénieurs du son sont de la partie. Les groupies repèrent vite l’adresse…

Très vite, la Villa Nellcote se transforme en véritable moulin et devient « the place to be ». Les fêtes se succèdent, aussi enfumées qu’alcoolisées. Mais pas uniquement. La notoriété des occupants et leurs habitudes de consommation attirent les trafiquants de stupéfiants en tout genre. Il faut dire que Marseille et l’Italie ne sont pas très loin.

MICK, KEITH, CHARLIE, BILL ET LES AUTRES

Les séances d’enregistrement, souvent programmées de 20 heures à 3 heures du matin, s’en ressentent. Accro à l’héroïne, Keith Richards est imprévisible. Réunir les cinq membres du groupe en même temps – et dans le même état – s’avère parfois compliqué. Décousu, l’album sera finalisé à Los Angeles quelques mois plus tard.

Mais le résultat est à la hauteur. Décrié à sa sortie, Exile On Main St. est pour beaucoup de fans l’apogée de la discographie stonienne, le point d’orgue d’une période fabuleuse entamée avec Beggars Banquet en 1968.
Jamais, dans l’histoire du rock, un album n’a autant personnifié le triptyque sex, drugs and rock’n’roll. Avec, au bout du compte, une copie sans commune mesure avec ce que le groupe produira par la suite : un mélange brutal de blues, de rock, de gospel et de soul.

Et avant de réécouter, ou de découvrir, ce 10e album des Rolling Stones, prenez le temps de regarder
le documentaire Stones In Exile, de Stephen Kijak. Vous y plongerez dans le quotidien de Mick, Keith, Charlie, Bill et les autres durant leurs six mois passés dans le sud de la France. Des images authentiques, sincères, naturelles, tournées sans but promotionnel (autre temps, autres mœurs…) et exhumées en 2010.

En parlant d’images, les photos illustrant cet article sont signées Dominique Tarlé.

Ce jeune photographe français, qui fréquentait le groupe depuis plusieurs années à Londres et en tournée, est venu rejoindre ses musiciens préférés en 1971 afin de les immortaliser dans leur nouvel environnement… Venu passer la journée à Nellcote avec Keith Richards, il n’en repartira que six mois plus tard, invité par le guitariste à profiter de ce moment privilégié de la vie du groupe.

Ses photographies sont actuellement exposées à la Galerie de l’Instant, à Paris, et visibles jusqu’au 16 mars 2022.

Un disque, un documentaire, une expo : de quoi vous immerger dans ce monument du patrimoine musical qu’étaient les Rolling Stones en exil, il y a cinquante ans.

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