Daniel Pennac dit « Une chambre d’enfant à ranger, c’est une vie à construire ».
Ne pourrait-on pas dire aussi que dans sa chambre, c’est là que l’enfant se construit ?
La chambre de l’enfant, si elle n’est pas le critère absolu de l’amour et du souci qu’on en a de lui, a pourtant pris place dans la maison dès lors qu’il a été considéré comme un individu à part entière. Et pour rappel, cela ne fait pas si longtemps que ça…
Certains ont même qualifié cette absence de « mépris pour l’enfant » tant la chambre de l’enfant a été longtemps ignorée des plans d’architectes.
La notion même de chambre d’enfant apparaît à l’époque du Roi Soleil. Il s’agit plutôt d’une sorte de nursery.
À la fin du 18e siècle, l’architecte Le Camus de Mézières, dans son ouvrage Le génie de l’architecture, consacre quelques pages « au logement des enfants dans la maison ». Adepte des théories sensualistes, il y détaille des recommandations de conception comme prendre en compte l’exposition ou les couleurs choisies. Sous l’influence des psychologues et des esthéticiens, la chambre d’enfant se normalise. Elle n’est alors jamais placée très loin de celle des parents qui demeurent tout de même maître des lieux ! À ce stade, le mobilier n’est qu’une pâle réplique miniature de celui des adultes.
Après la seconde guerre mondiale, de marginale la chambre d’enfant devient une pièce majeure, on peut alors même jusqu’à envisager d’agrandir le logement afin de créer une pièce supplémentaire. Une révolution. Car à partir de la légalisation de la contraception, l’enfant n’est plus seulement accueilli, il est désiré, voire programmé.

Finalement, l’évolution d’un espace dédié à l’enfant est tout simplement en corrélation avec le désir d’enfant : la chambre d’enfant est donc passée d’inexistante, à périphérique puis centrale.
Et d’un espace nocturne, la chambre devient une salle de jeux, un coin lecture, un lieu d’interactions sociales, et parfois aussi, au plus grand bonheur de beaucoup de parents, une salle de travail… Mais d’abord, dans sa chambre, l’enfant crée son univers perso, la forteresse de ses secrets bien gardés. D’ailleurs, quand l’enfant commence à investir sa chambre seul c’est qu’il est prêt pour assumer la séparation avec l’adulte. Une étape majeure dans son chemin vers l’autonomie donc. Et si l’enfant vient à partager sa chambre avec un frère ou une sœur, ils vont alors co-construire cet espace de vie et, la plupart du temps, développer une solidarité fraternelle assez magique. Oui, il y aura des cris et des bagarres parfois. Mais, au final, leur antre commune sera un terrain unique pour développer leur approche de la vie sociale basée sur les belles valeurs du respect de l’autre et du partage. Tout un programme.