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Facel Vega : Le mythe automobile du patrimoine drouais.

Aussi chère qu’une Rolls-Royce, aussi chic qu’une Aston Martin, aussi puissante qu’une Ferrari, … mais tellement plus française, et soyons chauvins, tellement plus eurélienne. Dans les années 60, la Facel Vega n’était pas la voiture de monsieur-tout-le-monde et Dreux incarna pendant dix ans une conception du luxe made in France. Retour sur une page mythique du patrimoine automobile du département.

Après la disparition de grandes marques comme Delahaye, Delage, ou Bugatti…Facel devint de 1954 à 1964, le seul constructeur français de voitures de luxe. Deux mille neuf cent exemplaires, entièrement faits à la main sont sortis de l’usine installée rue des Gaults, à Dreux. Dix ans seulement mais une légende forgée à jamais et un mythe qui se perpétue lors des ventes aux enchères où ces belles automobiles s’arrachent aujourd’hui à prix d’or, atteignant près de 400 000€.

HISTOIRE

L’histoire de Facel Vega commence en 1939 par la création des « Forges et Ateliers de Construction d’Eure-et Loir » (Facel), filiale de Bronzavia, sous-traitant aéronautique. L’entreprise débute son activité avec une usine située à Courbevoie et répond à la demande d’effort de guerre émanant de l’État français. Rapidement, l’entreprise se dote d’une seconde usine à Dreux. Le directeur technique de cette société, Jean Daninos, contraint de quitter la France en 1941 à la suite de l’invasion allemande, se réfugie aux États-Unis afin de continuer l’exploitation des brevets de Bronzavia. Une fois la paix revenue, il reprend la direction de Facel et procède à sa fusion avec Metallon, un importateur d’acier suédois. Cette nouvelle entreprise se spécialise rapidement dans la sous- traitance automobile et conçoit des carrosseries pour les constructeurs français.

Le premier contrat arrive en 1945 avec Panhard pour le développement et la conception des carrosseries en aluminium. Pour satisfaire cette commande, l’entreprise investit dans une nouvelle usine à Amboise. En 1948, une autre commande arrive de la part de Simca afin de produire les carrosseries Sport. Parmi d’autres commandes, citons également les coques du scooter Vespa pour Piaggio France.

CARROSSERIE FRANÇAISE ET V8 AMÉRICAIN

En collaboration avec le célèbre carrossier italien Pininfarina, Facel produit également dix-sept exemplaires de la Bentley Cresta qui servira de base de travail à Jean Daninos en 1951, pour construire sa propre voiture. Le résultat est à la hauteur des attentes, il décide donc de produire un coupé 2+2 en série. L’entreprise se rapproche alors de Chrysler afin d’obtenir la fourniture d’un moteur V8 de 4,5l.

Le modèle FV est présenté au salon de Paris en Octobre 1954 et reçoit un accueil enthousiasmant. Facel-Metallon se scinde alors en deux entités et la marque automobile prend le nom de Facel-Vega. Vega est l’une des étoiles les plus brillantes de la constellation de Lyre, une belle image de puissance et de prestige ! L’histoire est lancée et une dizaine de modèles différents sera produite avec des motorisations toujours plus puissantes.

Plus anguleuses que les italiennes, plus effilées que les anglaises, moins classiques que les allemandes, les Facel Vega possèdent une beauté singulière avec des mini-ailerons arrière, une calandre béante, un large pare-brise et d’inimitables grands phares verticaux. Parmi la production, notons la berline nommée Excellence qui se distingue par ses portes à ouverture antagoniste sans montant et la HK 500, dont le moteur de 390 ch permettait d’atteindre 250 km/h, un record à l’époque !

L’intérieur est à l’avenant : cuirs délicats, volant fin mais qui tombe parfaitement entre les mains et un bijou de planche de bord en métal peint, imitant la ronce de noyer et qui accueille un grand nombre de cadrans et d’interrupteurs.

Si l’entreprise fonctionne bien, ses volumes de ventes ne permettent pas encore de rentabiliser les investissements initiaux. Conscient de cette problématique, Jean Daninos développe alors un modèle plus abordable : la Facellia 1600. Exit le moteur américain, elle est équipée d’un quatre cylindres d’origine française dont la fiabilité va se révéler catastrophique, avec le remplacement sous garantie de 300 moteurs.

QUAND LA POLITIQUE S’EN MÊLE

Alors que la marque met en avant la capacité d’innovation du made in France au milieu des années soixante, l’État soutient Citroën, Renault, Peugeot, Simca ou Panhard, marques chargées de motoriser le pays, mais considère que les constructeurs de voitures de prestige ne sont pas dans l’air du temps. Symbolisée par la vignette automobile instaurée en 1956, la fiscalité automobile punit d’ailleurs les voitures puissantes, toutes étrangères. La légende veut que le Général De Gaulle aurait refusé de rouler en Facel Vega à cause de sa motorisation américaine. Pourtant, Madame de Gaulle, « Tante Yvonne » pour les intimes, appréciait beaucoup le confort du modèle Excellence.

Cependant, Facel Vega obtient pour son développement un prêt de 10 millions de Francs de la part du Crédit National, et deux autres entreprises entrent au capital. Jean Daninos est renversé de son poste mais reste en tant que vice-président et directeur technique. Malheureusement, le prestige et la réalité économique ne font pas bon ménage et les problèmes mécaniques de la Facellia coûtent cher à la marque. Malgré la volonté de continuer et diverses options économiques envisagées, les usines Facel ferment définitivement leurs portes le 31 octobre 1964.

UN SUCCÈS INTERNATIONAL ET D’ILLUSTRES PROPRIÉTAIRES :

Environ 75% de la production a été exportée. Les voitures furent acquises par un public fortuné constitué d’artistes, pilotes automobiles ou encore familles princières, qui optèrent pour le choix exotique de la GT française. L’industriel Francis Staub, créateur des célèbres cocottes en fonte que l’on trouve chez toute bonne cuisinière, en a possédé neuf, vendues aux enchères en 2020. Anecdote moins glamour, en Janvier 1960, l’écrivain Albert Camus et son éditeur Michel Gallimard trouvent la mort à bord d’un modèle HK500.

Jean Marais, Tony Curtis, Ava Garner, Ringo Starr, François Truffaut, le Shah d’Iran, Picasso, Christian Dior, Frank Sinatra, Dean Martin, Anthony Quinn, et Robert Wagner (oui, souvenez-vous ! Jonathan Hart, l’amour du risque) ont acquis une de ces voitures prestigieuses fabriquées à Dreux.

Facel Vega, une pluie de stars pour une étoile filante du luxe… à l’Eurélienne.

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