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En voyage du côté de chez Proust

À circonstances sanitaires exceptionnelles, moyens exceptionnels, on vous embarque dans un monde infini taillé sur-mesure pour vous. Oui, vous, lecteur déjà initié ou ignorant totalement l’univers de l’ami Marcel. Vous le savez sans doute, on peut visiter à Illiers-Combray la maison où il a passé ses vacances, plus encore, tout une partie de l’univers décrit dans son œuvre situe Illiers à la croisée des chemins ! Proust est né en 1871, 2021 sera donc l’année de ses 150 ans… Un peu court pour faire un papier, vous en conviendrez…

Allez, on l’avoue, on devait vous emmener en voyage au Pérou, vous raconter toute une aventure totalement épique là-bas, puis le confinement s’est installé et notre relative immobilité en a fait de même. Mais Epik anticipe et vous raconte en quoi les événements que nous vivons en ce moment-même sont en fait un délicieux clin d’œil à la portée de l’œuvre de cet auteur et du changement auquel il invite. Prenez une madeleine et plongez-vous avec nous dans l’univers intelligent, poétique et comique de Marcel Proust avant de suivre nos conseils de balade et peut-être même de répondre à son fameux questionnaire. Petit conseil avant la lecture, ne pensez surtout pas à Dave, il risquerait de rester à chanter dans votre tête jusqu’à la fin de l’article, voire plus 🙂

(R)évolution littéraire

Ou, pourquoi Proust est fondamental et quelle chance vous avez si vous ne l’avez jamais lu !

Il y a ceux qui ont essayé de le lire, d’autres qui le fantasment, certains s’en foutent, mais le fait est que Proust fascine autant qu’il rebute et que son œuvre majeure, pour partie implantée en Eure-et-Loir, se révèle étonnante de réconfort en ces temps troublés. « La principale et décisive nouveauté de Proust consistait à avoir opéré dans l’espace de la fiction romanesque une révolution comparable à celle qu’Einstein, quelques années plus tôt, avait opérée dans la physique, à savoir l’introduction de la relativité », explique Jean-Louis Curtis de l’Académie Française. « De même qu’Einstein fait voir que l’observation totalement objective est un leurre, parce que l’observateur est solidaire du système observé, et donc change avec lui, de même, dans Proust, tout est vu à travers le regard d’un observateur qui n’est pas en dehors du monde qu’il décrit mais qui occupe dans ce monde une position précise, mobile et changeante selon les aléas de sa vie. » WOW ! OK, donc on ne peut pas se départir de l’idée qu’on fait partie de l’histoire que l’on vit et que l’on (se) raconte. Cela invite d’abord à l’humilité car qui serait-on pour penser l’Homme, la Vie avec nos données actuelles toutes confinées, remplies de peurs, d’interdits et de leurs contraires, bravades et envies de libertés ! Du coup, on peut commencer à se poser des questions sur ce qui fait sens ou pas aujourd’hui dans notre vie et alors qu’hier, certaines passions ou actions nous apparaissaient brûlantes, elles sont aujourd’hui dénuées d’intérêt. Ce renversement perpétuel, parfois proche d’un « EUREKA » d’Archimède pourrait s’apparenter à une attitude puérile, pourtant, à de rares exceptions, Proust est relativement mal reçu par les « Jeunes », voire les moins jeunes, c’est relatif, on vient de le dire.

OK, mais on n’est plus confinés, j’ai pas le temps !

7 volumes, 4000 pages, 2500 personnages, oui, on sait, ça fait beaucoup. Certains passionnés proposent de découper l’œuvre, de ne pas tout manger d’un coup mais de procéder comme pour la découpe d’un saucisson, par tranche. Mais si, je vous promets, vous avez bien le temps d’une tranche de rosette ou de Jésus de Lyon qui n’est effectivement, qu’un gros saucisson comme le chante le Professeur Choron ! Et puis surtout, Proust lui-même recommandait la lecture aux enfants, vous verrez, il est bien possible que vos petits en redemandent. Si on file la métaphore charcutière, « J’en ai un peu plus, je vous le mets quand même ?», on parle vraiment de gourmandise. D’ailleurs, il n’y a pas d’âge pour commencer À la recherche du temps perdu. Laurence Grenier, auteur Du côté de chez Proust, découvre ces livres il y a une quinzaine d’années, sur les conseils un peu pressants de son père.

« Je commence. Je trouve ça un peu ennuyeux, se souvient-elle, et puis tout d’un coup, page 47, je lis une phrase qui me fait un effet incroyable. Je m’écroule en larmes : je viens d’être victime de ce qu’on appelle un syndrome de Stendhal. Un choc esthétique. », rapporte-t-elle sur France Inter. La phrase qui a provoqué ce choc esthétique dont parle Laurence Grenier la voici, elle se situe à la fin de la scène de la madeleine : « Et comme dans ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l’église et tout Combray et ses environs, tout cela que prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. » Et nous voilà invités à plonger dans l’infini d’une action banale et domestique, à en découvrir la singularité, à en apprécier le sel, à érotiser l’errance de nos esprits enfermés dedans. C’est quand même une belle activité de confiné, voire une « Invitation au Voyage », comme dirait Hugo !

Voyager sans bouger, un mantra 100% COVID-compatible

Une phrase de Proust résonne en temps de corona, à plus forte raison si l’horizon est… beauceron, c’est ce qu’il a expérimenté dans sa chair à Illiers-Combray : « Le seul, le vrai, l’unique, l’authentique voyage, c’est de changer de regard. » C’est ce qu’il fait tout au long de l’œuvre et vous l’aurez compris, c’est tout à fait remarquable et brûlant d’actualité. La relativité de nos existences à la lumière du contexte sanitaire, nos croyances en un état protecteur, la fragilité de notre système médical nous apparaissent cruciales du jour au lendemain… Ça faisait quand même un bout de temps que le monde médical se disait au bord de l’explosion, que les « Gilets Jaunes » pointaient certaines carences profondes de notre modèle d’organisation et de « vivre ensemble »..
Puis le point de vue a évolué, si ce n’est collectivement, chacun avec sa conscience, a perçu un bouleversement de la hiérarchie des interrogations légitimes. C’est bien là une différence fondamentale entre un travail de fiction et une tentative psychologique ou philosophique, même si Proust insiste aussi bien sur l’amour et ses névroses, que sur le temps et la mémoire.

Et l’Académie Française de poursuivre par la voix éclairée de Jean-Louis Curtis : « Le premier grand paradoxe de l’œuvre de Proust, c’est l’histoire d’un monde qui change perpétuellement et elle a été conçue dans la prévision détaillée de tous les changements qui devaient se produire. » Pour le coup, certains scientifiques prédisaient la menace de pandémie et l’incapacité de nos sociétés modernes à y faire face correctement sans subir une forme d’effondrement. Et pourtant… « Le deuxième grand paradoxe est que cette œuvre si pessimiste, si noire, qui devrait nous anéantir dans le désespoir, se lit dans un bonheur de chaque minute et nous laisse, après l’avoir lue, plus forts que nous n’étions avant de l’aborder. Car, dans la Recherche, tous les personnages, à l’exception de la mère et de la grand-mère du narrateur, sont décevants ou finissent par l’être. La plupart sont monstrueux d’égoïsme, d’hypocrisie, de médiocrité ou de bêtise. », conclut l’Académicien. Délicieux ou finalement désespérant ?

Mais qu’est ce qu’on se marre !

La lecture de Proust est une expérience non seulement enrichissante mais qui revigore, qui enrichit, et infiniment exaltante, allez, disons-le : EPIK ! Impressionnant, vertigineux, beaucoup trop long et terriblement trop court comparé au caractère infini de notre monde intérieur. Tout, en effet, est vu dans ces livres qui composent À la recherche du temps perdu à travers le prisme transfigurateur de l’intelligence, du comique et de la poésie. C’est fort, c’est total et propre à chacun. D’ailleurs, je laisse le dernier mot à mon voisin Nicolas avec qui je copine depuis qu’on est confinés et qui m’a retourné sur Whatsapp par sa citation de mémoire : « Nous sommes tous obligés, pour rendre la réalité supportable, d’entretenir en nous quelques folies »… « Voilà ce que disait Marcel », ajoute-t-il. Pas mieux.

Ouverture exceptionnelle de la Maison de Tante Léonie
du 15 décembre au 4 janvier de 14h15 à 17h.
Puis réouverture classique à partir du 17 janvier 2021.
Fermeture hebdomadaire le lundi.

À Illiers-Combray, la visite de la maison de tante Léonie est la seule trace subsistant de la demeure immortalisée dans le roman. Dans le roman, c’est là que la «tante Léonie» offre rituellement au héros la petite madeleine qui bien des années après, fait renaître tout Combray. La maison, avec son jardin fleuri, sa pittoresque cuisine, son salon oriental, les chambres de Marcel et de tante Léonie, les chambres Weil, ainsi que le musée et la salle Nadar, rassemble de nombreux souvenirs liés à l’écrivain. Rendue immortelle par sa célèbre madeleine, elle est connue dans le monde entier. Le musée Marcel Proust rassemble tous les souvenirs liés à l’écrivain.


Une balade dans les pas du géant

Ce circuit a été créé par le Comité Départemental du Tourisme d’Eure-et-Loir. Il emprunte les rues du centre-ville, les promenades et les jardins publics qui sont autant de clins d’œil aux souvenirs de l’écrivain durant ses vacances à Illiers et qui lui ont inspiré le 1er volume de À la recherche du temps perdu.

PAS A PAS (source CDT28)

Départ Office de tourisme.
Dos à l’Office de Tourisme, prendre à droite la rue du Docteur Proust, couper la rue Léon Ferré et tourner à gauche dans la rue Saint Hilaire. Prendre la 1ère rue à gauche, rue des Trois Maries. Passer devant le portail du musée Marcel Proust et continuer rue des Lavoirs. Dépasser la tour et son jardin médiéval, prendre à droite le chemin juste derrière le double lavoir pour entrer dans le Parc de la Peupleraie. À sa sortie, prendre tout droit la rue et la Promenade de la Fontaine. Entrer dans le parc par la passerelle et faire le tour de la pièce d’eau (point de vue sur l’église).

1 km : Revenir sur ses pas. Franchir la passerelle de la Grande Planche et suivre à droite le chemin de halage qui longe le Loir. Atteindre le Jardin du Pré Catelan. Le parcourir ou le longer par l’allée des Aubépines (à gauche de l’entrée du parc), et monter jusqu’à la Barrière blanche. Continuer par une ruelle que l’on suit à droite. Descendre les escaliers et traverser la rue Saint-Pierre. Descendre la rue de la Croix Rompue (panorama sur la ville).

2 km : Suivre à droite la rue Victor Loureau. Traverser le pont Saint-Hilaire, à gauche. A l’angle du parapet, descendre à gauche jusqu’au bord du Loir. Suivre la Promenade de la Grève jusqu’au Gué Bellerin (lavoir – panorama sur la ville). Au gué, possibilité de monter à gauche vers le pont du chemin de fer (« viaduc »). Du pont, revenir sur ses pas jusqu’à la place du Gué Bellerin (fresque murale 20 mètres à droite). A gauche, on peut atteindre la gare et l’hôtel « Les Aubépines ». Traverser la rue du Général de Gaulle et prendre en face la Promenade de la Citadelle jusqu’à l’avenue Georges Clémenceau que l’on suit à droite.

3 km : Tout droit (avenue Foch), on peut découvrir le buste de l’écrivain dans le square avant la salle des fêtes. Revenir sur ses pas et prendre la rue de Chartres vers le centre-ville et l’église Saint-Jacques. À la fourche, bifurquer à droite et descendre la place de l’église. Passer devant son portail. Après quelques marches, regagner la place Maunoury et l’Office de tourisme.

3,5 km : Arrivée


Proust, c’est aussi un questionnaire fameux.

Marcel Proust découvre ce « test » à la fin du xixe siècle, alors qu’il est encore adolescent, il n’est inventeur que des réponses. Ce jeu anglais datant au moins des années 1860 était nommé Confessions rapporte Wikipedia.
Celui-ci figure dans un album en anglais de sa camarade Antoinette, fille du futur président Félix Faure.
À cette époque, ce genre de jeu est en vogue ; la mode en vient d’Angleterre : les questionnés peuvent y dévoiler leurs goûts et leurs aspirations. Voici ses réponses de 1890, à vous de remplir vos cases !

QuestionRéponse de Proust
Votre vertu préféréeLe besoin d’être aimé et, pour préciser, le besoin d’être caressé et gâté bien plus que le besoin d’être admiré.
La qualité que je préfère chez un homme.Des charmes féminins.
La qualité que je préfère chez une femme.Des vertus d’homme et la franchise dans la camaraderie.
Le principal trait de mon caractère.
Ce que j’apprécie le plus chez mes amis.D’être tendre pour moi, si leur personne est assez exquise pour donner un grand prix à leur tendresse.
Mon principal défaut.Ne pas savoir, ne pas pouvoir « vouloir ».
Mon occupation préférée.Aimer.
Mon rêve de bonheur.J’ai peur qu’il ne soit pas assez élevé, je n’ose pas le dire, j’ai peur de le détruire en le disant.
Quel serait mon plus grand malheur ?Ne pas avoir connu ma mère ni ma grand-mère.
Ce que je voudrais être.Moi, comme les gens que j’admire me voudraient.
Le pays où je désirerais vivre.Celui où certaines choses que je voudrais se réaliseraient comme par un enchantement et où les tendresses seraient toujours partagées.
La couleur que je préfère.La beauté n’est pas dans les couleurs, mais dans leur harmonie.
La fleur que j’aime.La sienne— et après, toutes.
L’oiseau que je préfère.L’hirondelle.
Mes auteurs favoris en prose.Aujourd’hui, Anatole France et Pierre Loti
Mes poètes préférés.Baudelaire et Alfred de Vigny
Mes héros dans la fiction.Hamlet
Mes héroïnes favorites dans la fiction.Bérénice
Mes compositeurs préférés.Beethoven, Wagner, Schumann.
Mes peintres favoris.Léonard de Vinci, Rembrandt
Mes héros dans la vie réelle.M. Darlu, M. Boutroux
Mes héroïnes dans l’histoire.Cléopatre
Mes noms favoris.Je n’en ai qu’un à la fois.
Ce que je déteste par-dessus tout.Ce qu’il y a de mal en moi.
Les personnages historiques que je méprise le plus.Je ne suis pas assez instruit.
Le fait militaire que j’admire le plus.Mon volontariat !
La réforme que j’estime le plus.
Le don de la nature que je voudrais avoir.La volonté, et des séductions.
Comment j’aimerais mourir.Meilleur— et aimé.
Mon état d’esprit actuel.L’ennui d’avoir pensé à moi pour répondre à toutes ces questions.
Les fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence.Celles que je comprends.
Ma devise favorite.J’aurais trop peur qu’elle ne me porte malheur.

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