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Dans les mains de Dieu

Certaines années sont à oublier, et 2020 n’aura pas épargné le monde du Sport. Certes l’épisode du Covid19 est reconduit en séries pour un nombre de saisons indéterminées à ce jour, mais lorsqu’elle emporte avec elle trois Légendes, la frustration n’est plus, tant la tristesse est grande. Jacques Secrétin, Christophe Dominici et Diego Maradona ont tiré leur révérence, emportant avec eux, les souvenirs de 3 générations.

Maître Jacques

Élu meilleur pongiste français du siècle, Jacques Secrétin aura placé la France sur la carte du ping-pong mondial dominée par la Chine. Son palmarès, l’un des plus prolifiques de l’histoire de ce sport, parle pour lui : 495 sélections en équipe de France, 61 titres de Champion de France, 17 fois en simple, 10 fois en double, 11 fois en double mixte et 23 fois par équipes. En 1976, il est sacré Champion d’Europe en simple, Champion du monde en double mixte en 1977 avec Claude Bergeret et Champion d’Europe en 1980 en double avec Patrick Birocheau.

Toute sa vie, la passion du joueur ne se sera jamais éteinte, et ce lien fusionnel qu’il entretenait avec son sport depuis ses 8 ans, auront grandement contribué à populariser le ping-pong dans l’hexagone.

Décédé le 24 novembre à l’âge de 71 ans, il laisse le monde du tennis de table orphelin. Jamais il n’aura cessé de jouer et de s’amuser, lui qui était encore classé 280e joueur français en 2015.

La génération 80 se souvient mieux de Jean-Philippe Gatien, ancien champion et médaillé olympique à Barcelone et Sydney. À ses côtés, il remporte la Coupe d’Europe des clubs champions en 1990 avec le Levallois SC, et n’a pas manqué de rendre hommage sur twitter à celui qu’il appelait respectueusement « Maitre Jacques ». 

Pionnier dans sa discipline, il n’a eu de cesse de moderniser l’image du tennis de table, notamment en créant le Music Pong Show avec son partenaire et ancien champion de France Vincent Purkart. À l’image des Harlem Globe Trotters et des facéties tennistiques de Mansour Barami aux Tournois des légendes, les 3500 exhibitions qu’il a offert aux spectateurs à travers le monde, mélangeaient prouesses techniques, gags, magie, déguisements, dans une mise en scène complètement extravagante.

« Le show Secrétin/Purkart a toujours été d’une grande inspiration pour les pongistes du monde entier » témoigne Jean-Philippe Gatien. Les plus jeunes apprécieront le spectacle en visionnant les vidéos sur Youtube.

Maître Jacques laisse un grand vide derrière lui. Le ping pong français pleure la disparition d’un père qu’il n’oubliera jamais, puisque les légendes sont éternelles.

Dieu du Stade

La grande famille du rugby est elle-aussi en deuil. Le 24 novembre dernier, Christophe Dominici, « Domi », légende vivante du XV de France perdait la vie en chutant d’un toit au parc de St-Cloud.

L’ancien ailier de 48 ans, qui a fait les beaux jours du RC Toulon et du Stade Français a profondément marqué les esprits par ses folles enjambées et ses crochets dévastateurs, poisons des plus grandes équipes. Son fait d’arme le plus marquant, qui installera à tout jamais ce petit gabarit d’1 m 72 au panthéon du Sport français, restera cet essai inscrit à la 56e minute du match qui oppose les « petits » Bleus à l’ogre All Black. Sur un coup de pied de Fabien Galtier, Domi profite du rebond favorable pour s’emparer du ballon et, de ses cannes de feu, échappe au plaquage d’Andrew Mehrtens pour aller inscrire l’essai qui donne l’avantage aux français.
Ce 31 octobre 1999, comme un certain 12 juillet 1998, toutes les personnes qui ont regardé ce match se souviennent avec qui et où ils étaient, témoins d’une page d’histoire que des coqs déchaînés ont gravé à jamais dans nos mémoires. Devant cette performance venue d’ailleurs, Twickenham, le mythique stade de nos meilleurs ennemis anglais, est devenu bleu, blanc, rouge. Pour l’éternité, Christophe Dominici, cheveux peroxydés devenu chouchou des petits rugbymen en herbe, restera l’un des artisans majeur de cette équipe de France victorieuse 43-31 face à la Nouvelle-Zélande du regretté Jonah Lomu. Malgré cette exploit retentissant, le XV de France échouera en finale de cette Coupe du Monde face à l’Australie. Dominici concédera lui-même, que l’équipe avait mal préparé sa finale et qu’en aucun cas, il était question de malchance. En 2003, il participe à sa 2e Coupe du Monde. Sous la direction de Bernard Laporte à son apogée, il estime avec le recul que cette équipe de France était mieux armée qu’en 1999 pour gagner la compétition. Le rêve prendra fin brutalement contre les Anglais en demi-finale qui, en 2007, ne quittent plus leurs costumes de bourreaux des Bleus, et nous éliminent sur nos terres encore une fois aux portes de la finale.

Malgré cela, il aura remporté avec l’équipe nationale et ses 65 sélections, quatre tournois des IV nations dont deux Grands Chelems. En 2004, Dominici marque la compétition de son empreinte et la France prend sa revanche sur le XV de la rose. Une image plus légère marquera le souvenir de sa formidable carrière, cet incroyable raté face à l’Italie où l’ailier français laissera échapper le ballon dans l’en-but sous les yeux de l’arbitre qui siffle un en-avant. Une maladresse qui n’entachera pas le succès des Bleus et qu’il prenait avec philosophie : « Ah ça, c’est vrai que c’est un raté mémorable. On m’en parle presque autant que mon essai face aux All Blacks en 1999. Je m’en sors souvent en disant que ma femme est italienne, et que comme on a gagné 25-0, pas besoin d’en mettre plus de 30… » De l’humour, il n’en manquait pas, et il aura fait les 400 coups avec ses potes de toujours Franck Comba, Christophe Moni, Sylvain Marconnet, Thomas Lombard et Vincent Moscato.

Dominici avait d’abord été footballeur avant de rejoindre tardivement le club de rugby de Solliès-Pont en 1989. Son talent est tel que 4 années plus tard, après 2 saisons en 2e division au RC La Valette, il tape dans l’oeil des recruteurs du RC Toulon, et y jouera 4 saisons. C’est avec le Stade Français de Max Guazzini, avec qui il entretenait une relation presque filiale, qu’il écrira les plus belles lignes de son palmarès en soulevant 5 fois le bouclier de Brennus. Lors de la demi-finale de la H Cup contre Biarritz, il inscrit à la 9e minute du temps additionnel, l’essai de la victoire par une course, dont lui seul a le secret. Il déclarera : « Je me suis retrouvé en position de demi de mêlée, une petite faille s’est ouverte, et je m’y suis engouffré. Le reste ? C’est de la magie. »

Un magicien ce Domi, un homme sensible qui vivait avec la cicatrice d’une grande sœur perdue trop tôt, et qui avait récemment très mal encaissé le rejet de reprise du club de Béziers. Un projet avorté dans lequel il s’était beaucoup investi et dont il devait devenir le directeur sportif.

Peu importe les raisons de sa disparition, cela ne fera pas revenir l’homme et le joueur qu’il était. Les passionnés de l’Ovalie n’oublieront jamais le bonheur qu’il aura donné à ce merveilleux sport qu’est le rugby.

Diego, le gamin en or

Décidément, 2020 ne nous épargnera rien et emporte avec elle le plus grand génie du football Diego Armando Maradona. L’argentin était au football ce qu’était Mozart à la musique.

Michel Platini avait d’ailleurs déclaré de façon humoristique : « Ce que fait Zidane avec un ballon, Maradona le faisait avec une orange. » Les Dieux du ballon rond se sont penchés sur le berceau du gamin de Lanùs (sans mauvais jeu de mots) en lui offrant ce don et cette adresse que le monde entier s’apprête à découvrir. À 12 ans, il impressionne déjà les foules par ses jonglages et son extraordinaire pied gauche. C’est déjà un phénomène qui attire l’attention des médias devant lesquels il déclarait : « J’ai 2 rêves, disputer une coupe du Monde, et la remporter avec l’Argentine. » Deux rêves prémonitoires qui seront exaucés en 1986 lors de la Coupe du Monde au Mexique qu’il remporte face à la RFA. Lors de cette finale, il délivre une passe décisive à Burruchaga, qui s’en va marquer le but de la victoire à la 84e minute. L’histoire retiendra deux actions légendaires du ballon d’or 1986 lors du quart de finale Argentine-Angleterre. Tout d’abord, le but controversé qu’il inscrit de la main et qu’il qualifiera de « main de Dieu ». Coup de génie pour certains, surtout argentins…, coup de vice pour beaucoup. Une main épique s’il ne devait en rester qu’une. Enfin, sa deuxième action est tellement géniale qu’elle en ferait presque oublier sa tricherie. Parti du milieu de terrain, « El pibe de Oro » feinte à gauche, à droite, dribble 5 adversaires, et après 37 pas, 11 touches de balle, trompe le gardien anglais Peter Shilton. Ce but sera élu en 2002, but du siècle après un sondage de la FIFA.

Son influence dans le jeu est telle, que Maradona transcende ses partenaires et les rend meilleurs.

À Naples, l’argentin devient un Dieu vivant, une idole qui ne peut plus sortir de chez lui sans provoquer une émeute. Durant les 8 saisons passées en cité parthénopéenne de 1984 à 1992, Maradona offre deux titres de Champions d’Italie au Napoli qui, jusqu’alors, n’était qu’une modeste équipe sans palmarès. Comme toutes les histoires passionnelles, l’amour deviendra haine lorsque le n°10 argentin marquera dans son stade San Paolo, le tir au but qui élimine l’Italie de la Coupe du Monde 1990. Le peuple italien et napolitain ne lui pardonneront jamais.

Diego Maradona était un génie, victime et coupable de ses fréquentations douteuses avec la Camora ou Fidel Castro, de ses excès d’alcool et de cocaïne. Seulement avec la coke, il se mesurait à un adversaire bien plus fort et plus vicieux que lui. Le meilleur joueur du siècle le paiera de sa vie.

Comment, avec ces quelques mots, rendre un hommage à la hauteur de ces champions disparus ? Peut-être, en remerciant simplement ces Légendes qui écrivent l’histoire du Sport pour que nous puissions la raconter.

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