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Cinéma :

Grand chambardement en perspective

Sous la pression des puissantes plateformes de streaming, le gouvernement est prêt à renégocier cette exception culturelle française qu’est la chronologie des médias, qui réglemente le laps de temps entre la sortie d’un film en salles et son exploitation sur les différents supports. État des lieux.

Le 22 mai dernier, les studios Paramount ont créé un précédent en diffusant la comédie romantico-policière Les Tourtereaux (The Lovebirds), directement sur la plateforme Netflix, sans passer par la sortie en salles initialement prévue.

Fin juillet, après avoir exprimé son intention de sortir ses films à la fois en salles et sur les plateformes de VOD, même une fois la pandémie de Covid-19 passée, la firme Universal a conclu un accord « pluri-annuel » avec les cinémas AMC (8 043 écrans aux États-Unis) pour ramener le délai minimum d’exploitation entre la première projection d’un film et sa sortie sur un quelconque format numérique (DVD, vidéo à la demande, etc) de 90 jours à 17 jours.

‌Le 4 décembre, Warner a annoncé que ses 17 films de 2021 seraient disponibles en simultané dans les salles américaines et pendant un mois sur la plateforme de streaming HBO Max. Parmi eux Wonder Woman 84 (sorti le 25 décembre), The Suicide Squad, Dune et Matrix 4.
Disney, de son côté, a renoncé à sortir en salles le Mulan de Nikki Caro, version live du célèbre dessin animé, pour le réserver à sa plateforme Disney+.

Preuve supplémentaire que les grandes manœuvres ont commencé, les producteurs du dernier James Bond, Mourir peut attendre, dont la sortie a été bloquée par la covid, ont proposé leur film à Netflix contre 600 millions. Netflix n’a pas donné suite.

‌Le 4 décembre, Warner a annoncé que ses 17 films de 2021 seraient disponibles en simultané dans les salles américaines et pendant un mois sur la plateforme de streaming HBO Max. Parmi eux Wonder Woman 84 (sorti le 25 décembre), The Suicide Squad, Dune et Matrix 4.
Disney, de son côté, a renoncé à sortir en salles le Mulan de Nikki Caro, version live du célèbre dessin animé, pour le réserver à sa plateforme Disney+.

Preuve supplémentaire que les grandes manœuvres ont commencé, les producteurs du dernier James Bond, Mourir peut attendre, dont la sortie a été bloquée par la covid, ont proposé leur film à Netflix contre 600 millions. Netflix n’a pas donné suite.

Dérogations du CNC

En France, Forte, une comédie avec Valérie Lemercier et Melha Bedia annoncée initialement dans les salles le 18 mars dernier, a bénéficié d’une dérogation du Centre national du cinéma (CNC) pour atterrir directement sur la plateforme de vidéo à la demande Amazon Prime Vidéo le 15 avril, en pleine période de confinement.

Le Pinocchio de Matteo Garrone, avec Roberto Benigni, et le Brutus vs César de Kheiron, avec Thierry Lhermitte, Ramzy Bédia et Gérard Darmon, ont suivi le même chemin, respectivement le 3 mai et le 18 septembre.

Simple effet COVID ou prémices d’un grand chambardement dans la chaîne de diffusion du cinéma ?

La chronologie des médias

En France, le système d’exploitation est soumis à ce que l’on appelle la « chronologie des médias », qui oblige les oeuvres cinématographiques à respecter des délais avant d’être diffusées sur les plateformes. Une mesure destinée à l’origine à protéger les salles de cinéma de la concurrence de la télévision, puis de la vidéo.

Un film doit ainsi attendre 4 mois après la sortie cinéma avant son exploitation en DVD/Blu-ray ; 8 mois pour être diffusé à la TV sur les chaînes payantes avec un accord ; 17 mois pour être diffusé à la TV sur les chaînes payantes sans accord ; 22 mois pour passer à la TV sur les chaînes gratuites ; 36 mois pour atterrir sur les plateformes de streaming et 44 mois pour être disponible sur les plateformes de VOD gratuites comme YouTube.

Véritable exception culturelle à la française, cette chronologie, réactualisée pour la dernière fois le 11 février 2019, suscite un mécontentement grandissant parmi les nombreux abonnés des différentes plateformes.

Sensible aux plaintes de ces derniers mais aussi aux menaces des grandes firmes, le Premier ministre Jean Castex a affirmé dans les colonnes des Échos, en septembre, l’intention du gouvernement de revoir le fonctionnement de l’industrie entière mais aussi d’obliger ces plateformes à investir un pourcentage de leur chiffre d’affaires dans la création française. Ce taux, qui devrait être défini début 2021, ne va évidemment pas sans contrepartie. « On ne peut pas exiger beaucoup des plateformes et leur imposer les délais de diffusion aujourd’hui prévus », a déclaré Jean Castex, ouvrant ainsi la voie à une renégociation de la fameuse chronologie des médias, qui pourrait être une victime collatérale du coronavirus.

Et les exploitants dans tout ça ?

Face à la perspective d’une chronologie des médias nettement plus favorable à la SVOD, les exploitants font preuve de fatalisme. « Selon moi, on ne peut pas faire autrement que de lâcher sur la chronologie des médias ”, dit Judith Reynaud, directrice du cinéma Les Enfants du Paradis à Chartres. « Les plateformes ont pris tellement d’importance qu’on ne va pas pouvoir faire sans elles. » Elle en profite pour émettre un vœu pieux : « J’aimerais qu’on nous permette de diffuser des séries au cinéma. »

« La chronologie des médias a pour objectif d’assurer la vitalité du cinéma », explique Laurent Brunet, directeur du Ciné Centre Dreux. « C’est encore plus important aujourd’hui parce qu’on traverse une période très compliquée. Rappelons par ailleurs que les salles de cinéma contribuent au financement de l’industrie cinématographique via les taxes prélevées sur les tickets. J’espère que le gouvernement a conscience de ça. Je suis inquiet, mais j’essaye de rester optimiste. »

En attendant, les exploitants espèrent voir le bout du tunnel avec la sortie mondiale, le vendredi 2 avril (si tout va bien), de Mourir peut attendre, le premier blockbuster post pandémie. Un titre dont ils aimeraient faire leur slogan.

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