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Chasse aux trésors à Saint-Martin-au-Val

Il y a près de deux mille ans, Autricum (la Chartres Antique) disposait d’un sanctuaire gallo-romain parmi les plus vastes au monde. Ce site exceptionnel existe toujours. Piste d’exploration chère aux archéologues, il déploie ses vestiges au cœur de l’actuel quartier Saint-Brice. Un incroyable écrin qui est loin, bien loin, d’avoir dévoilé tous ses mystères…

Ce qui frappe le plus, c’est la colossalité des lieux. Une fois le portique franchi, vous vous retrouvez comme téléportés plusieurs millénaires en arrière. Semblable à un immense rectangle, le site s’étend sur près de six hectares. Il se compose des vestiges d’un temple ainsi que de quatre galeries de circulation et de pavillons d’angle qui enserrent une cour d’environ cinq hectares. Deux à trois mois par an, le département d’archéologie de la ville de Chartres et de Chartres Métropole investit le complexe pour y exhumer de nouveaux joyaux. Et leurs découvertes s’avèrent faramineuses.

DES BOISERIES INESTIMABLES

La plus remarquable d’entre elles concerne certainement la fontaine monumentale logée sur la façade Est du grand sanctuaire. Datant du troisième siècle après Jésus-Christ, elle a été mise à jour durant l’été 2017.

Avec son sol de calcaire blanc et sa base murale en marbre (de Carrare, probablement), ses élévations recouvertes de fresques ou ornées de motifs taillés à même la pierre, l’édifice reflétait toute l’élégance architecturale et la sophistication « à la romaine ». Au centre de cet ensemble multiséculaire trône un bassin quadrangulaire en marbre de Turquie qui conserve les reliquats d’un plafond composé de boiseries peintes et sculptées. Il s’agit ni plus ni moins d’une découverte d’envergure internationale. Le bois constitue un matériau des plus fragiles, régulièrement soumis aux aléas du temps. Et il est extrêmement rare de le voir aussi bien conservé.

UNION SACRÉE

Surprise de taille à Saint-Martin-au-Val : une alliance contre nature du feu et de l’eau est à l’origine de la préservation si particulière du plafond ornementé. Première observation, les pièces archéologiques arborent les stigmates d’un incendie à l’origine d’un durcissement des ruines survenu juste avant leur effondrement. Seconde observation, le bassin dans lequel les boiseries ont sombré était à l’époque rempli d’eau. Ce qui a empêché leur combustion tout comme leur disparition. Au fil des siècles, le site fut progressivement laissé à l’abandon et les crues régulières de l’Eure ont fini par engloutir l’emplacement. Dépourvu d’air et de lumière, le plafond s’y est retrouvé scellé au sein d’un noyau humide. Ironie du sort ou bien miracle, ces trois paramètres (l’eau, l’air, le feu) s’avèrent idéaux pour une conservation longue durée, et l’exhumation d’un tel plafond à caissons constitue une prouesse dont nous pouvons êtres fiers. À ce titre, la seule trouvaille similaire provient ni plus ni moins des fouilles de la « Villa de Telephus » réalisées à Herculanum, en Italie, il y a une dizaine d’années.

BOÎTE DE PANDORE

D’une richesse inouïe, le sanctuaire antique de Saint-Martin-au-Val témoigne d’une maîtrise absolue du travail sur le bois, notamment grâce à l’utilisation de techniques de charpente et de menuiserie révolutionnaires pour l’époque, et aujourd’hui disparues. Les archéologues en charge des fouilles vous le diront, la finesse des décors végétaux est unique au monde. Tout comme les caissons en forme de losanges, de triangles ou d’hexagones. Les investigations minutieuses ont véritablement été lancées courant 2019 et se poursuivent en ce moment même. À l’aide de pompes qui aspirent l’eau du bassin, les archéologues chartrains recourent aux méthodes traditionnelles pour ne pas endommager les artefacts déjà retirés. Et sans mauvais jeu de mot, l’équipe de spécialistes a du pain sur la planche : près de 300 fragments de bois sont en cours d’analyse. Quant à la totalité du corpus, elle est estimée à plus de 1500 pièces.
À l’horizon, une restitution complète du site se profile. Un bel hommage rendu à nos ancêtres artisans, bûcherons, charpentiers, maçons, menuisiers ou forgerons à l’origine de cette merveille « made in Eure-et-Loir ». En cette époque tumultueuse où l’avenir ne cesse de se dessiner par à-coups et au jour le jour, quelle chance de pouvoir ainsi s’enrichir des vestiges du passé. Il est question de nos racines. Des fondations que nous nous devons de chérir et de préserver. Rassurez-vous, c’est plus que jamais chose faite dans les règles de l’art.

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