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Alireza Firouzja : Le monde est à lui

Une fierté régionale. Nationale. Que dis-je, internationale ! Classé deuxième joueur mondial à seulement dix-huit ans, le prodige Alireza Firouzja est déjà une légende des Échecs. Considéré comme le talent le plus fulgurant de sa génération, ce sportif de haut niveau ne se trouve aujourd’hui qu’à une marche du titre suprême. Retour sur un parcours exceptionnel qui a débuté en bordure de la Mer Caspienne. Pour se concrétiser chez nous à Chartres.

Avec lui, tout est histoire de génie. Un génie d’autant plus admirable qu’il s’inscrit férocement dans l’air du temps. Formé auprès des logiciels et des écrans, ce champion 2.0 est capable de mater n’importe quelle technologie avancée. Sultan des tournois en ligne, Alireza s’est construit seul face aux ordinateurs qu’il domine haut-la- main. « Machine à gagner », il se met à jour quotidiennement et défie les lois du sablier. Son histoire personnelle, sa vertigineuse précocité, son ascension record et sa redoutable intelligence tactique constituent des marqueurs solides lui ayant permis d’imposer un style implacable.

Car les champions de sa trempe se comptent sur les doigts de la main. On en croise un tous les deux siècles. Ces dons célestes, Alireza les a développés très tôt en Iran. Plus précisément à Babol, sa ville natale au bord de la Mer Caspienne. Une contrée héritée des vestiges de la Perse mythique, berceau d’innombrables civilisations. C’est dans un décor à la nature luxuriante que le jeune garçon, alors âgé de huit ans, s’initie à l’art ancestral des échecs. Fils d’une enseignante universitaire et d’un ingénieur reconverti dans l’immobilier, Alireza baigne depuis toujours au cœur d’un environnement de savoirs et d’excellence. L’une des clés de son succès aussi bluffant qu’instantané.

LE PETIT PRINCE DE CHARTRES

Bonne nouvelle : Alireza Firouzja joue désormais sous les couleurs de la France dont il vient tout juste d’obtenir la nationalité. En 2019, avec l’aide de Bachar Koualty (ancien président de la Fédération Française des Échecs) et de Jean-Pierre Gorges (maire de Chartres et amateur de beau jeu), le clan Firouzja est invité sur le sol hexagonal. De fil en aiguille, la famille s’installe dans la capitale beauceronne, non loin de la cathédrale immémoriale visible de leur terrasse. Alireza s’initie à notre langue et s’empresse d’intégrer le « C’Chartres Échecs », club attitré de la cité eurélienne. La suite, on la connaît : c’est ici qu’il va véritablement imposer sa marque et concrétiser sa renommée. Soyons-en fiers.

Quant à son palmarès, il donne le tournis. Comparé à un diamant brut dans la veine de Michael Jordan (l’une de ses idoles), Zinédine Zidane, Lionel Messi ou Kylian Mbappé, Alireza Firouzja est le plus jeune joueur à avoir jamais franchi la barrière des 2800 Elo (le système d’évaluation universel). Champion d’Iran à deux reprises, il est également le champion d’Europe d’échecs 960, un mode de jeu aléatoire prisé des connaisseurs. Mieux, il fut le seul joueur des moins de vingt ans à figurer dans le prestigieux top 25. Et à l’automne dernier, Alireza Firouzja a de nouveau ébranlé la planète en remportant le tournoi de Riga. Marquant trente points en deux compétitions pour passer illico de la douzième place à la deuxième place mondiale. Juste derrière Magnus Carlsen, le champion du monde en titre, qu’il devrait détrôner d’ici peu. La prouesse est remarquable. Du jamais vu.

ÉCHEC & MAT

Ce qui le distingue des autres ? Un mode opératoire particulièrement accrocheur, imparable, foudroyant. Sa signature stratégique n’a de cesse de faire des émules aux quatre coins du globe. Sa technique est auscultée et disséquée dans les moindres détails par les professionnels comme par les amateurs. Mué par l’intuition (cet excès de vitesse d’intelligence dont il semble être l’incarnation parfaite), le jeune prodige excelle à toutes les cadences et se distingue grâce à une déroutante dextérité pour dominer sans heurt chacune des facettes de jeu.

En le regardant à l’œuvre, vous constaterez que l’aspect ludique est omniprésent. Il s’amuse à chaque mouvement de pion. Mais surtout, il ressent les choses et dispose d’une longueur d’avance. Imprévisible dans ses prédictions, Alireza n’analyse que les mouvements décisifs. Il va droit au but et détonne à la moindre offensive.

Comme dirait son propre frère : il est « update ». En d’autres termes, nous voilà face à un battant qui ne lâche jamais l’affaire. À chaque défaite (et elles sont rares), Alireza anticipe le tour suivant et pense déjà à prendre sa revanche. À l’image de Garry Kasparov, son joueur favori, avec qui on le compare régulièrement. Du fait de sa posture conquérante et de la fulgurance de ses placements.

DERNIÈRE LIGNE DROITE

Aujourd’hui coaché et sponsorisé par les meilleurs (dont la société Aqualter, fer de lance de l’entrepreneuriat régional, spécialisée dans le traitement de l’eau), Alireza Firouzja dispose d’un calculateur ultra-rapide auquel il se connecte ardemment et sans relâche. À ce jour, le sportif accompli a joué plus de parties sur ordinateur que tous les champions du monde réunis. Geek dans l’âme (il a récemment adoré la série Le Jeu de la dame sur Netflix), le jeune homme symbolise à lui seul cette nouvelle clique de joueurs biberonnés au numérique et à la haute-technologie.

Une génération prometteuse dont il fait figure de preux chevalier. Sa vitesse de calcul s’avère unique, pour ne pas dire comparable à celle d’un multiprocesseur. Terminator des échiquiers, Alireza anticipe chaque variante et se révèle phénoménal dès qu’il s’agit d’analyser une partie plus en profondeur. Pour l’heure, il ne lui reste plus qu’une seule carte
à abattre : le Norvégien Magnus Carlsen. La prochaine étape se jouera donc en juin lors du fameux « Tournoi des Candidats ». Un choc des titans dont Alireza Firouzja ne peut que sortir vainqueur. Les paris sont ouverts ? D’ici là, gloire au petit prince de Chartres. Gloire au futur empereur des Échecs !

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