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Homo regressus separatam

2021 : L’odyssée de l'espèce

L’an 2000 est déjà loin. Toujours pas de voitures volantes à l’horizon, dans un ciel actuellement sans avions. Le grand bug informatique n’a pas encore eu lieu, mais les deux dernières décennies ont néanmoins mis fin à nos utopies contemporaines, à nos espoirs d’un monde rendu meilleur par la technologie. Pure naïveté ou signe d’une évolution humaine qui a atteint ses limites ? Ce futur, désormais présent, né de notre imaginaire collectif, de la littérature classique au cinéma d’anticipation, est aujourd’hui à 20 000 lieues de nos rêves d’enfant.

Un chiffre tout beau, tout rond ce 2020. Un marqueur pour nous signifier que nous aurions pu rentrer dans une nouvelle ère de progrès. Une sorte de bulle aseptisée, qui nous protégerait de tout, surtout de la maladie. Une année pour réaliser des projets et les fixer de manière mnémotechnique dans le temps.

« EN 2020, TU TE SOUVIENS ? »

S’il existe bien un esprit sixties, seventies, eighties, et dans une moindre mesure nineties, il faut bien reconnaître que l’esprit « 2000-2010’s » n’aura pas la même portée (de toute façon c’est imprononçable !).
Epik ou rien ne versera pas dans le « c’était mieux avant », mais avouez qu’il est difficile de trouver une imagerie réellement optimiste qui symbolise notre époque et qui laissera une empreinte nostalgique dans l’histoire. Alors… serait-ce le crépuscule de l’homosapiens ?

Cessons une minute de nous plaindre et rappelons-nous que dans une majeure partie de son histoire, l’humanité a été pauvre, affamée en guerre et malade. On travaillait dur pour mourir jeune. Ce que nous vivons à travers ces derniers mois n’est-il pas le reflet d’une réalité à laquelle nous pensions échapper par naïveté ?
La pandémie n’est pas la seule cause de cette régression, elle ne fait que mettre en avant les défaillances mises en lumière par la mondialisation et nous rappelle aussi que Dame Nature a encore son mot à dire !

À trop vouloir maîtriser, nous avons fini par subir

ÉVOLUTION OU RÉGRESSION ? SI DARWIN M’ÉTAIT CONTÉ.

Il aura fallu attendre de quitter le stade de poisson, de descendre de l’arbre, puis quelques millions d’années pour nous tenir debout. Par la suite, les mille centimètres cubes supplémentaires de notre boite crânienne nous ont permis de chasser, pêcher, cultiver, construire, écrire, bâtir des civilisations, et établir des sociétés. Peu à peu, la conscience humaine s’est développée pour nous différencier de l’animal et raisonner (parfois) nos instincts primaires. En levant les yeux au ciel, les croyances sont apparues pour créer les religions qui rythmeront l’Histoire. Tout ça pour en arriver là où nous sommes aujourd’hui…

Sur cette immense échelle du temps, en moins d’un an, le virus nous aura mis face à la réalité d’une régression que l’on croyait impossible. Notre époque met donc un terme provisoire à la signification d’un mot autrefois chargé d’optimisme et de progrès : Évolution.

Au milieu du 19e siècle, Darwin publie « L’origine des espèces » et développe sa théorie sur l’évolution par la sélection naturelle. Dans un milieu donné, il est impossible que le nombre des êtres vivants augmente sans cesse. Les individus qui survivent sont les mieux adaptés à cet environnement. En conséquence, de nouvelles espèces apparaissent tandis que d’autres disparaissent. La Terre compte maintenant plus de sept milliards d’individus. En pleine pandémie, avec un virus qui touche majoritairement les plus vieux et les plus faibles, de mauvais souvenirs d’histoire nous ont traversé l’esprit !

Comment continuer à employer encore le mot « Évolution » alors que nous sommes actuellement prisonniers du court terme et donc dans l’incapacité de se projeter dans le futur. N’oublions pas qu’après la crise sanitaire, s’annonce la crise sociale et économique, tout aussi silencieuse, tout aussi sournoise et dangereuse. À l’opposé d’un cercle vertueux, nous voici rentrés depuis plusieurs mois dans une spirale négative composée de problèmes sans véritables solutions, à l’image de décisions politiques énarques et centralisées, souvent incohérentes donc incomprises.

Epik a choisi de compléter et d’illustrer ce schéma d’évolution connu de tous par un homme masqué.
Un symbole simple qui représente régression et isolement.

ART DE VIVRE MENACÉ ET MODÈLE CULTUREL EN PÉRIL

Dans l’œil du cyclone créé par le confinement : les commerces, les bars et les restaurants. Ces véritables poumons de nos centres-villes sont désormais menacés de désertification par les conséquences des deux premières vagues et l’éventualité d’une troisième. Au-delà du drame économique, se joue une grande partie de notre avenir social. Le sourire de la boulangère, le café au comptoir, l’apéritif improvisé autour d’une rencontre, le plaisir d’un repas au restaurant, autant de tranches de vie qui participent à notre identité latine. Quelques rues plus loin se joue le destin des théâtres, des cinémas et des salles de concert. Notre culture.

Ces lieux où il est si bon de partager collectivement nos émotions, qu’elles soient drôles, musicales, ou émouvantes. Puis plus loin, dans les parcs et les plaines, lieux des grands rassemblements d’été, se joue l’incertitude des festivals, grands défouloirs tactiles par excellence.

Tactile ! J’avais presque oublié cet adjectif, noyé dans l’isolement auquel nous faisons face. À force de ne plus embrasser, ne plus serrer, ne plus prendre dans nos bras, l’affectif, annihilé par la distanciation sociale, nous voit empêchés de toute expression de sentiment, d’humeur, d’émotion, de sensation. Comment créer notre lien avec l’autre ? Si nous nous sommes adaptés, il est hors de question de se réinventer ! Si les expressions figées sont cachées par un morceau de tissu, la solitude, elle, est bien présente. L’éloignement de nos proches et l’absence de moments épikouriens laisseront des traces. Un vrai retour à la normale ne se fera que lorsque les gestes de distanciation sociale, devenus des réflexes conditionnés, auront disparu. L’avenir se jouera-t-il de façon éparpillée, à l’image d’un nombre de mètres carrés minimal conditionnant une vie à plusieurs ? Nous avons pu le voir ces derniers mois avec le déploiement des terrasses dans les rues de nos villes. Une solution qui certes nous a de nouveau libérés et rassemblés, … mais qui sera sur le long terme une alternative qui nous éloignera. N’oublions pas qu’au cours des siècles, l’homme a démontré la nécessité d’une vie collective, en opposition à la médiocrité de l’individualisme contemporain que nous vivons.

« LES VALEURS SE PERDENT AU RYTHME D’UNE VIE QUI SE DIGITALISE. »

Au-delà de cette pandémie, notre évolution s’est retrouvée suspendue depuis de nombreuses années, comme indécise. La technologie s’accélère mais la condition humaine, elle, se freine, par manque de repères et surtout par perte des valeurs fondamentales. Comme deux lignes qui se décroisent pour devenir maintenant parallèles. Un paradoxe qui nous amène à revoir la définition du mot « Progrès ».

Quelles en sont finalement ses bénéfices alors que de plus en plus de personnes disent ne pas se reconnaître, ne plus se retrouver dans ce 3e millénaire ? Digitalisation du commerce et des échanges, réalité virtuelle et maintenant… la 5G. Voici quelques exemples d’une évolution qui se confronte à l’éthique, celle qui nous dit que l’essentiel n’est pas là.

Et si le prochain stade de l’évolution passait par… un retour en arrière ?

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